Les expos photo des Assises

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En écho à la thématique sur l’incertitude, découvrez la galerie photo par Bertrand Gaudillère (Collectif Item). Aujourd’hui, “Fenêtre sur…”

Fenêtre sur…

Le 16 mars,  Emmanuel Macron annonce des mesures de confinement pour quinze jours. C’est un moment historique.
Depuis le 17 mars je fais des photos depuis me fenêtre. J’adopte le point de vue de tous ceux qui auront comme vision personnelle du confinement lié au Corona Virus, celle que leur offriront ces « ouvertures vitrées ». Je photographie la vie au ralenti trois étages plus bas. Un quotidien avec son lot d’absurdité ou d’ennui, d’angoisse, d’inégalités  et d’interrogations, de poésie aussi parfois.
C’est ma manière de documenter cet épisode en respectant la fragilité immunitaire de ma compagne.Je fais dialoguer ensuite mes images avec des extraits de textes issus pour la plupart de post ou de lien de mes fils Facebook, Twitter ou Instagram. Ils assènent des vérités politiciennes, donnent des chiffres, expriment des doutes ou des espoirs, que j’imagine être ceux qui habitent les personnages de mes photos… Ils esquissent les contours d’une double réflexion : Celle à avoir au niveau systémique pour tirer les enseignements d’une crise qui est autant politique et sociale que sanitaire, et celle plus personnelle qu’il me semble nécessaire d’avoir. Comment est il possible en tant que photographe de documenter de manière singulière cette période qui nous confronte tous au même réel. Quelle place, mais surtout quelle pertinence pour nos travaux qui viennent faire grandir le nombre pléthorique d’images déjà produites et diffusées. Est on encore dans la nécessaire documentation d’un événement exceptionnel ou simplement dans la production des archives de demain ?
Bertrand Gaudillère

En écho à la thématique sur le travail, découvrez la galerie photo par Bertrand Gaudillère (Collectif Item). Aujourd’hui, “Work, working, worker…”

Work, Working, Worker


Work, Working, Worker, une allusion au World Wide Web, à la  mondialisation… 
3 W que le monde utilise quotidiennement sans nécessairement en connaître la signification. Sans forcément avoir la volonté de l’interroger non plus. Comme ces trois lettres le travail fait partie intégrante de nos routines, mais en questionne-t-on encore le sens au delà de l’aspect économique ?         
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D’abord être brillant à l’école. Faire de bonnes études. Accéder à un travail gratifiant et rémunérateur. C’est avec cette injonction que ma génération a grandit. Dans l’illusion d’une société qui demeurerait celle du plein emploi.
Je suis arrivé sur le marché du travail après l’avènement des minima sociaux et des contrats précaires. Les T.U.C, le R.M.I, des acronymes qui comme ANPE ou ASSEDIC déterminaient les contours d’un monde qui nous paraissait encore un peu obscur, dont on sentait qu’il pouvait aussi bien être hostile qu’accueillant.
Mais peut être pas si épanouissant qu’il n’y paraissait dans le discours…
Je n’ai pas eu le temps de déchanter. Après un parcours scolaire chaotique et le début d’un parcours universitaire vite sabordé,  je suis devenu photographe. Par curiosité d’abord, pour le monde qui m’entoure (en bas de chez moi ou un peu plus loin derrière les frontières), et par nécessité, parce que je ne pouvais me taire. Il fallait, que je dise, que je témoigne. Il fallait que je m’implique.
Je n’ai jamais connu les contraintes d’une hiérarchie ou d’un emploi du temps imposé. En dehors de quelques expériences fulgurantes qui chaque fois ce sont soldées par une porte claquée, j’ai toujours été indépendant. Dans ma famille on m’a souvent opposé que je n’ai jamais « vraiment travailler » pour clore une discussion qui abordait le salariat, le droit du travail, les conditions ouvrières, ou la gestion des ressources humaines. Je ne connaissais pas donc je n’avais aucune légitimité. La précarité de ma profession, n’était pas une expérience suffisante pour être légitime à parler du travail. Mon activité n’était pas un travail !
Albert Jacquard dans « mon utopie » précise la différence (…) Il est pourtant nécessaire de distinguer le travail-torture, subi comme une calamité provisoirement inévitable et le travail-action, choisi comme élément de la réalisation de nos projets, comme processus de la construction de nous même…
La photo est une activité qui a contribué à me construire.
C’est une fenêtre qui s’est ouverte sur le monde. Les mondes. Dont celui du travail que j’ai rencontré en le mettant en image pour des entreprises qui m’y invitent contre rémunération. Dans l’industrie ou les services, dans des bureaux administratifs ou des ateliers, sur d’immenses plateaux open space ou dans l’intimité d’espaces réduits, j’ai photographier des travailleurs dont le cadre professionnel s’inscrit dans la réalité d’une hiérarchie et d’un emploi du temps contraint. En les photographiant, je témoigne de la réalisation de tâches qui souvent épuisent les corps et fatiguent l’esprit. Je ne partage pas leurs conditions, je les constate, en projetant sur elles mes propres angoisses, mes désirs ou mes réticences. Je suis le témoin biaisé d’une danse dont je ne connais pas vraiment les pas mais dont le rythme a finit par m’être familier.
C’est un rythme entêtant, une chorégraphie bien huilée dont les participants sont la force motrice d’une économie que je dois, pour cette série, photographier anonymement afin de respecter les droits de chacun. Le leur d’abord et aussi celui de l’entreprise qui nous emploie, eux et moi.
En prenant comme terrain de jeu, celui de mes commandes j’interroge doublement cette notion de travail. Celui des autres et le mien. La place que chacun de nous occupons et la possibilité d’expression que nous laissent ces espaces professionnels. Eux dans la manière d’accomplir leurs tâches, moi dans la manière de restituer cette réalité dont l’essentiel des images produites, s’inscrit dans le champ de la communication.
Bertrand Gaudillère – Photographe / Collectif item
Les photographies de cette série ont été produites au cours des sept dernières années.

En écho à la thématique “La littérature pour tous”, Bertrand Gaudillère, photographe du collectif Item, présente son exposition photo “Jeunesse”. Cette exposition reprend des différents reportages réalisés pendant les précédentes Assises du roman avec les écoliers, les collégiens, les lycéens partipant aux projets d’éducation artistique et culturels de la Villa.


“Il y a ceux qui montent sur scène, timides. Ceux qui s’emparent du micro avec assurance. Il y a les voix qui chevrotent, celles qui hésitent, d’autres qui s’emballent. Il a le trac qui se mêle d’excitation. Il y a l’envie de bien faire et celle de s’en foutre. Il y a l’envie de plaire aussi qui rencontre la peur de ne pas réussir. Il y a le public et le regard bienveillant des auteurs. Il y a l’émotion. Surtout l’émotion. Celle qui reste, qui infuse, qui fait comprendre, qui fait grandir… C’est ce que je vois, ou ce que je veux voir dans leurs yeux.

Ils sont écoliers, collégiens, lycéens. Leurs classes participent aux programmes que proposent les Assises en direction des jeunes publics. Ils rencontres des auteurs, travaillent avec eux, lisent et écrivent, jonglent et jouent avec les mots. Parfois avec élégance, d’autres fois sans finesse. Ils affirment, provoquent, cherchent, se cherchent. Ils trouvent là un espace qui résonne de leurs interrogations, de leurs inquiétudes, de leurs convictions et de leurs incertitudes.

Peut-être y voient ils seulement un lieu de contraintes tandis que je veux y voir un terrain d’épanouissement. C’est pour sûr un lieu d’échange, de rencontre. Dans mon souvenir l’institution scolaire en propose assez peu. Je ne peux affirmer qu’en mon temps j’ai toujours su en profiter. En revanche je sais ce que je dois à ces champs du possible que certains se sont efforcés de m’ouvrir. Les photographier aujourd’hui ce n’est pas se remémorer de délicieux souvenirs, c’est affirmer la nécessité de ces dispositifs quoi qu’il en coûte à l’institution. “

En écho à la thématique “Le huis clos”, Bertrand Gaudillère, photographe du collectif Item, présente son exposition photo “Inside/Outside”.

INSIDE / OUTSIDE est une correspondance photographique entre  Bertrand Gaudillère et 14 détenus emprisonnés à travers le monde.
Inside/Outside est un projet qui trouve son origine à la fois dans un questionnement et dans une rencontre
Comment peut on interroger l’univers carcéral autrement qu’à travers une iconographie qui doit se plier aux contraintes fixées par l’administration et souvent respecter  l’anonymat du détenu.
Comment la photographie peut elle aborder cette question si fondamentale de la privation de liberté autrement qu’en s’enfermant elle même dans l’étroitesse de ces hauts murs sans horizons.
La rencontre avec l’équipe de Prison Insider a réveillé ces interrogations et ravivé l’envie de mettre en place un projet qui utilise la photographie comme support à un dialogue et non comme affirmation d’un propos. S’affranchir des contraintes propres au reportage. S’engager dans un échange ou ma photo en traversant les murs devient des mots.
Cette correspondance internationale que nous mettons en place, me permet à travers un dispositif simple d’aborder dans mon travail la question de l’enfermement et des multiples différences qu’il est intéressant de souligner dans l’incarcération.
Peut on vivre l’enfermement de la même manière lorsque l’on est de nationalité, de culture ou de religion différente ? Quel sens prend la privation de liberté en fonction de son environnement familial, social, politique, de son âge et de son genre ? Que raconte-t-on de son enfermement à un inconnu, que dit on de soit, de l’autre, de l’extérieur ?
Pour cadrer nos échanges, Prison Insider m’a proposé de les inscrire sous le signe de la perception. Explorer les cinq sens, les évoquer en image pour faire dire le poids de l’enfermement sur le corps…
Pour en voir plus 

En écho à la thématique “Portrait de l’auteur en enquêteur”, Bertrand Gaudillère (collectif Item) propose l’exposition “La république bienveillante”.

La république bienveillante.

“La question des exilés se réduit souvent à des chiffres, des pourcentages, des coûts. Rarement à des histoires de vie qu’il faut fuir ou reconstruire. On parle du « migrant » comme d’une figure dont il faut se protéger au nom de l’intégrité sociale, économique, religieuse et politique de notre pays. Pourtant, sur le pont de l’Aquarius, à la frontière franco-italienne, près de Vintimille ou de Briançon, sur les campements sauvages à Paris ou dans la “jungle” de Calais, des citoyens  oeuvrent pour que le quotidien de ceux qui arrivent sur le territoire français soit plus humain, plus supportable. Ils accueillent, nourrissent, enseignent, soignent, accompagnent ces exilés de passage ou en attente d’asile. Ils s’investissent à la mesure de leurs compétences ou de leurs envies. Ils font de leur humanité une arme de lutte contre le recul des droits et le non respect des lois. Ils sont « la République Bienveillante »*. Ils dénoncent l’application du délit de solidarité qui vise à décourager les bonnes volontés qui pourraient se manifester pour palier les manquements de l’Etat. Ils alertent sur le fait que ce n’est pas d’une crise des réfugiés dont il s’agit mais d’une crise de l’accueil et de la démocratie. Ils revendiquent la solidarité comme valeur non négociable d’une démocratie qu’ils veulent défendre.

A Briançon où dans la Vallée de la Roya, à Calais ou à Lyon, sur les campements sauvages de Paris, ou sur le pont de l’Aquarius le temps d’une escale, j’ai décidé, pour parler de ceux que l’on appelle trop facilement « les migrants », de suivre ceux qui leur tendent la main sur le chemin de l’exil. Leurs initiatives sont un plaidoyer pour une société humaine qui soutient plutôt qu’elle ne décourage.

Cette série est un extrait d’un travail au long cours qui couvre les 5 dernières années.

* Guillaume Leblanc et Fabienne Brugère in La fin de l’hospitalité, Flammarion 2017.”

En écho à la thématique “Paysages et traversée”, découvrez l’exposition photo de Bertrand Gaudillère (collectif Item) : Paysage exil.

Paysage exil

Perspectives urbaines, ou lignes abruptes dessinées par les montagnes des Alpes. Vastes plages ou sombres plaines, ces lieux que je photographie sont des fragments d’un paysage qui n’existe pas. Celui dessiné par les volontés politiques successives d’inventer des no man’s land ou se perdent les projets de vie meilleure. Briançon, la Sicile, la vallée de La Roya, Paris, ou Calais. Des lieux de passages. Des lieux d’attente. Des frontières invisibles. Une cartographie succincte de zones que j’ai traversé pour raconter des histoires d’exil, de fuite et d’espoir déçus.

En écho à la thématique “Lettre de mon pays” découvrez l’exposition photo de Bertrand Gaudillère (collectif Item) : Lanceurs d’alerte.

Ombre en résistance
Ils s’appellent Irène Frachon, Antoine Deltour, Stéphanie Gibaud… Certains sont devenus très médiatiques, d’autres tentent de préserver leur anonymat. Mais tous, à un moment sont sortis de l’ombre pour dénoncer des scandales environnementaux, des drames sanitaires ou des «affaires» politico-économiques. Traitres pour les uns, héros modernes pour d’autres, ils sont de plus en plus nombreux à « lancer l’alerte » en France et à s’opposer à des multinationales, des banques voire à des Etats. Il aura fallu attendre fin 2016 pour que la patrie des droits de l’homme se dote d’un dispositif de protection censé mettre les lanceurs d’alerte à l’abri des représailles. L’adoption de la loi Sapin II n’a cependant pas encore permis de changer le quotidien de ceux qui ont pris le risque de briser leur carrière, leur vie de famille, leur santé, au nom de la vérité, de l’éthique, de l’intérêt général ou du principe de précaution. Ce sont ces résistances fragiles que le photographe Bertrand Gaudillère a voulu mettre en avant avec une série de portraits intimes et composites qui évoquent le courage, l’abnégation, l’abattement et la place envahissante, voire obsédante que « l’alerte » a pris dans leur vie.
Mathieu Martiniere

Une démarche
L’alerte est envahissante. Elle finit par s’immiscer partout dans la vie du lanceur, jusqu’à faire voler en éclat la frontière entre espace public et sphère privée, jusqu’à devenir obsédante, maligne, épuisante.
Ce sont ces sentiments d’oppression et d’invasion qu’évoquent ces portraits composites réalisés à partir d’au moins deux images. La première représente la personne, seule, chez elle. Elle donne un visage à celui ou celle qui a lancé l’alerte ainsi qu’un cadre, un intérieur, un « chez soi ».  C’est l’endroit de la quiétude. Les autres images représentent l’élément déclencheur de l’alerte, ce par quoi tout a commencé ou l’évocation de ce qu’elle aura permis, en terme de résultat ou de questionnement.  Ce sont les obsessions.
En superposant ces images au portrait, en les faisant envahir le cadre intime, je cherche à traduire le caractère tourmenté et suffoquant d’un combat qu’ils ou elles ont menés au nom de l’éthique et de l’intérêt collectif, sans mesurer que le prix individuel serait si cher à payer, sans réaliser que l’acte vital de porter un fait à la lumière pouvait transformer son messager en ombre.
Bertrand Gaudillère